1840 : L ' ESSOR COMMERCIAL

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  C'est grâce à la digue et à ses canaux de drainage

que Lamastre est passé directement du 12ème au 19ème siècle .

Charles Seignobos , député .

Etat des lieux .

Nous sommes restés jusqu'à présent dans les limites géographiques du Savel la Mastre . En 1835 , ce hameau comptait en tout 100 (cent) maisons , soit , en donnant aux rues le nom qu'elles portent aujourd'hui : Rue du Savel (côté Condoix) : 14 , rue Dareyre : 2 , rue du Savel et place Seignobos (double entrée) : 15 , rue Duroux : 3 , rue des Massorts : 6 plus une tannerie , , rue F.Charras , rue des Quartiers et place Seignobos (double entrée) : 10 , petite place et République : 4 , rue Chalamet et calade des marchands (double entrée) : 7 , rue Chalamet adossée à la montagne : 12 , montée du Château : 4 , rue Charras (côté rocher) : 7 , au Château : 11 , total 100 .

Ajoutons les Bruyères (1) , les Dévières (1) , le Mourier (1) plus le cimetière des protestants .

Dans la plaine ? RIEN .

C'est à partir de 1840 que ce simple lieu dit va s'étendre d'abord dans la plaine du Doux , puis sur les anciennes communes voisines de Macheville et de Retourtour . Que s'est-il passé ?

Le Doux a été dompté .

La malaria a été vaincue .

Les routes passent maintenant par Lamastre qui devient un véritable noeud de communications et un très important marché . L'urbanisme sera une nécessité avant de devenir une mode .

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LA DIGUE

Nous avons vu que 5 digues protègeront Lamastre des terribles crues du Doux , de Sumène et de Condoix . Une seule porte ce nom : la Digue . C'est cette muraille imposante , cette barrière infranchissable qui interdit aujourd'hui au Doux de s'aventurer dans la ville .

La terrible crue de 1840 avait emporté la grande digue à Désaignes et à Lamastre , dans la plaine , le chemin de Désaignes (rue Hérold) sur un kilomètre . Elle laissait des bas fonds pleins d'eau stagnante augmentant les fièvres . Les propriétaires des terres inondables décident alors de former un "SYNDICAT pour la DEFENSE de la PLAINE de Lamastre CONTRE le DOUX" .

On appelle aujourd'hui syndicat ce qui n'est au fond qu'une amicale regroupant des gens d'un même métier qui veulent défendre ensemble leurs salaires ou autres revenus . On entre (ou on n'entre pas , le résultat individuel étant le même) dans les syndicats modernes quand on a un problème et on s'en retire quand on veut . Il suffit d'oublier de payer sa cotisation .

En 1840 , la création d'un syndicat doit d'abord obtenir l'autorisation du roi , ce qui fait par ordonnance royale du 12 octobre 1841 . A partir de ce moment-là , TOUS les propriétaires d'un terrain inondable , y compris la commune pour ce qu'elle peut posséder dans la plaine , doivent obligatoirement adhérer . Ce syndicat sera responsable de la construction et de l'entretien de la digue . Pour cela , il votera son budget et ses contributions qui seront encaissées et gérées par le percepteur . En 60 ans , de 1840 à 1900 , la dépense totale atteindra 250 000 francs-or , soit 150 000 francs de subvention de l'Etat , 100 000 francs de contributions des co-propriétaires dont 17 000 francs par la commune , le plus gros propriétaire . Cette charge imposera rapidement à la commune de vendre ses (terrains) communaux pour se dégager . Le premier Conseil d'Administration est nommé par le Roi . En 1844 , la digue terminée est mise à mal par la crue du 15 septembre .

Lors de la crue du 10 septembre 1857 , la digue a été emportée , la plaine ravagée , neuf maisons enlevées et toutes les maisons du bas de la place menacées d'être ruinées . Il faut reconstruire la digue de toute urgence .

Depuis 1843 , les propriétaires d'une parcelle dans la plaine , co-propriétaires de la digue , avaient déjà dépensé 33 000 francs-or . La reconstruction leur coûtera 26 000 francs-or . Le général Dautheville et Boissy d'Angles , députés , obtiendront de l'Etat les subventions indispensables pour compléter cette somme .

Sous l'autorité de monsieur Bouvier du Crestet , ingénieur , la direction de monsieur Chenet , conducteur des Ponts , et la surveillance de monsieur Nodin , chef de chantier , la digue fut reconstruite en reculant sa partie aval de 40 mètres afin de donner au courant un plus grand débouché . Cela allait nécessiter de doubler la longueur du pont qu'on s'apprêtait à construire , mais sans cette décision , celui-ci n'aurait pas résisté aux grands crues qui suivirent , en particulier 1890 et 1963 .

En 1896 , le syndicat de défense contre le Doux nomme Frédéric Nodin syndic directeur et vote d'importants crédits pour doubler la digue . Le C.F.D (chemin de fer départemental) propose la construction de la ligne de Lamastre au Cheylard en traversant la plaine . Nodin s'y oppose en faisant remarquer que depuis que la digue est plus solide , les terrains de la plaine ont pris de la valeur et qu'on a même commencé à y construire des maisons , qu'il sera très onéreux d'exproprier . Il offre alors au C.F.D. le droit de construire gratuitement la ligne sur le talus de la digue . Après études , la Compagnie accepte cette solution et nous pouvons lire dans le Lyon Républicain du 30 décembre 1898 : "de passage à Lamastre , j'ai vu que le tracé de la ligne de chemin de fer de Lamastre au Cheylard gagnait la digue et la suivait sur presque la totalité de sa longueur ... Si le projet s'exécute tel qu'il est tracé , les propriétaires des immeubles préservés par cette digue n'auront plus à craindre aucune rupture , car la compagnie construira certainement un mur de soutènement qui affrontera sans aucune crainte les plus fortes crues comme elle en a déjà construit sur les digues qu'elle possède dans le département .

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N.B. Jusqu'à ces travaux exécutés par le; C.F.D. , la digue était constituée de rochers et de terre ."

La coupe de la digue montre bien ce qu'elle était avant et après l'intervention du C.F.D. .

Profil en travers des travaux à exécuter vers le pont du Doux pour obtenir la largeur de la voie férrée le long de la digue en dehors du parapet. Le trottoir de ce pont est à 377 metres d'altitude.

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Frédéric NODIN

Il est né en 1831 à Lamastre où son père était piéton, puis facteur des postes. A 26 ans, il crée la Société de Secours mutuels UNION des familles dont il sera le vice-président pendant 55 ans.  Commis de perception à Lamastre à 17 ans, il est appelé en 1862 au service des Ponts et Chaussées comme chef de travaux trés importants : construction de la Digue et de Ponts sur le Doux, du Pont de Tain en particulier. Nous avons vu ce que nous lui devons pour son initiative lors de la construction de la voie férrée. Son activité est multiple : études sur la sériculture, l'arboriculture, direction d'un atelier de teinture de laines, essais de cinématographe... Conseiller municipal, Sou des écoles, délégué cantonnal et correspondant privilégié de Charles Seignobos, député.

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LES COMMUNAUX

Le 18 mai 1627 , le baron de Mastre fait don aux habitants du Savel d'une importante partie de la plaine qui formera les fonds communaux ou , tout simplement , les communaux . Le Doux était peut-être passé par là une fois de plus .

Ce terrain peut être grossièrement délimité ainsi : ancienne place du marché (place de la République) , le champ de Mars (place Montgolfier et les maisons qui la bordent à l'est) , la partie de la place Pradon n'appartenant pas à Dareyre , les berges du Doux , la rue Henri Riche et retour par la rue Pons de Capteuil .

Pendant des siècles , les communaux vont être pour la communauté du Savel un revenu assuré .En effet , la jouissance des terres était mise aux enchères tous les six ans , payable d'avance . Parfois , un remboursement partiel si les dégâts causés par le Doux étaient bien supérieurs à la moyenne .

En 1823 par exemple , les ressources de la commune de Lamastre-Macheville-Retourtour se chiffraient ainsi : 326 francs d'impôts , 460 francs de loyers des biens communaux et 613 francs de droits de pesage .

En 1835 , la commune voulant construire une mairie vend tout le terrain construit entre la route de Nozières et le pré de Dareyre (soit la moitié de la place Pradon) . La construction de la mairie ne pourra se faire . La commune reste encore propriétaire de 8 hectares 71 ares (des graviers , terres inondables , quelques jardins et prairie de 1 hectare et 43 ares) .

Tout va changer avec la construction de la digue en 1840 . La commune , plus gros propriétaire , devra payer la plus grosse contribution au syndicat . En 1857 , il faut reconstruire la digue totalement détruite par le Doux et aucun lamastrois ne veut louer les communaux entièrement saccagés . La commune décide alors de partager les deux hectares utilisables qu'elle possède en 21 lots de 8 ares n un de 21 , un de 28 et de les vendre , vaille que vaille . La commune espère en tirer ainsi 4 à 5 000 francs et surtout ne plus rien avoir à payer au syndicat . C'est dommage , car à partir de ce moment-là , la digue va tenir bon , il n' y aura plus d'autres désastres et ces 2 000 mètres-carrés de terrains vendus 0,20 franc le mètre-carré semblent valoir aujourd'hui 200 francs .

Ceux qui disent que , sauf faillite ou très mauvaise gestion , une commune ne doit jamais vendre un pouce de son patrimoine semblent avoir raison .

LA SANTE

En 1846 , Ovide Valgorge s'inquiète : "Je dirai cependant un mot de la digue en forme de quai qui protège aujourd'hui Lamastre . Toute puissante contre les débordements redoutables du Doux , cette digue ne fera qu'accroître , je le crains bien , les fièvres pernicieuses qui rendent Lamastre un lieu si malsain et si dangereux même quelquefois à y habiter pendant les fortes chaleurs de l'été ... Vous devinez sans peine ce que deviendront les eaux produites par les pluies et les infiltrations , privées d'écoulement et d'issue : des mares infectes et croupissantes où la fièvre puisera chaque jour de nouveaux aliments ."

Charles Seignobos écrivait plus tard dans son journal : "Au bas de la place se trouvait un espèce de marais (le cloaque) qu'on traversait sur une longue passerelle ou planche portée par des chevalets et conduisant aux fonds communaux . Le marais et les sables qui se désséchaient l'été engendraient des miasmes qui , à leur tour , produisaient des fièvres intermittentes . Quelques personnes les gardaient plusieurs années . Cela abattait l'énergie , rendait la population molle , paresseuse , indifférente . Les étrangers n'osaient pas coucher à Lamastre . Le bureau d'enregistrement avait été transféré au Crestet.

Au temps de mon enfance le kina et le quinquina étaient des objets de première nécessité . Nous nous abordions le matin par ces mots : "As-tu pris ta quinine ?" Naturellement , j'ai eu plusieurs fois les fièvres dans mon enfance , plus tard au lycée en 1840 , de nouveau en 1847.

Un simple canal d'écoulement a mis fin à cette situation lamentable "

L'ACTION MUNICIPALE

(Extrait des registres des délibérations)

En 1813 , "il faut traverser la béaliaire (le cloaque) pour aller tirer de l'eau au puits communal (vers le haut de la place Montgolfier) .

En 1823 , "on se propose de faire une fontaine publique puisque Lamastre n'est abreuvé que par les eaux malfaisantes de la rivière du Doux ."

En 1833 , "la commune n'a toujours pas de fontaine publique . Ses habitants sont obligés de se servir dans des trous pratiqués dans la plaine du Doux . Il est certain que pareilles eaux doivent être contraires à la santé . Il conviendrait donc de réunir et de faire arriver sur la place deux sources appartenant à la commune et qui jaillissent du côteau de Peycheylard à une distance de 1000 mètres."

En 1834 , le Conseil désignent Messieurs Pradon et Chambron pour qu'ils se transportent dans les établissements où se fabriquent des tuyaux de fonte pour en acheter la quantité nécessaire (les crédits ouverts en 1830 atteignent 220 francs . La dépense réelle fut de 8 000 francs ).

Les problèmes posés par les eaux de boisson semblent résolus . Le Conseil va s'attaquer à celui des fièvres intermittentes .

Depuis des années , les municipalités qui se succèdent cherchent à connaître ce qui rend le pays si malsain .Probablement les eaux qu'on boit , mais peut-être aussi les miasmes et les vapeurs qui s'élèvent au-dessus des cloaques .

Louis Pasteur a alors 20 ans . Personne , où que ce soit , ne connaît l'existence et l'action des microbes , bacilles et autres virus .

Les miasmes incriminés désignent alors les émanations en provenance des substances animales ou végétales en décomposition .En 1832 , pour assurer la salubrité , il convient donc que le fumier , les boues et immondices soient enlevés des places et des rues . On désigne alors un balayeur qui , pour tout salaire , vendra le produit de sa collecte . Mais rappelons nous la lettre de Bleizac en 1839 , incommodé par l'odeur infecte des tas de fumier de porc qui fermentent à la porte de chaque maison de la rue du Savel . Les propriétaires laisseront-ils enlever , voler leurs tas de ce précieux engrais ?

En 1839 , "décision est prise d'établir une digue et des canaux , objet si important qui porte en lui tout l'avenir de la localité en lui procurant l'assainissement et la salubrité dont elle a tant besoin pour la suppression des mares et eaux stagnantes qui rendent le pays si malsain et qui donnent tant de maladies."

Donc , monsieur de Valgorge , vous qui savez tout après deux jours de promenade à Lamastre , la digue n'est pas la cause des cloaques qui existent depuis longtemps , mais a pour mission de les interdire . Malheureusement , la digue sera emportée à peine construite et il sera urgent de combler le cloaque que laissera l'inondation de 1841 au bas de la plaine .

Mais faut-il recommencer à dépenser en vain autant d'argent ? Le Conseil décide alors de créer une commission de sécurité composée par les hommes les plus compétents que l'on pourra trouver à Lamastre et aux environs : Xavier du Besset , maire , Bouvier aîné , ingénieur en chef en retraite , Charles Seignobos , conseiller général , Aristide Chalamet , docteur médecin et Matthieu Gitraud , conducteur des Ponts et Chaussées .

Décision : il faut d'abord reconstruire la digue , creuser un canal au bas de la place qui recueillerait les eaux croupissantes de la plaine du Doux et les conduire dans la direction de l'embouchure du Condoix , recueillir les eaux qui descendent de la rue du Château et du haut de la place . Tout cela va coûter cher et il faudra bientôt tout recommencer après la terrible inondation du 10 septembre 1587 . En fait , ce seront au moins quatre canaux qui seront creusés . Ils fonctionneront comme canaux d'irrigation ou canaux de drainage , selon les besoins .

LES ROUTES ET LES PONTS

Mon intention est depuis le début de visiter l'un après l'autre les rues de l'ancienne commune de Lamastre , puis celles de l'ancienne commune de Macheville et finalement de l'ancienne commune de Retourtour . Cela me permet de grouper chaque fois mes visites dans un cadre bien défini et s'il en est qui liront un jour ce cahier , peut-être seront-ils surpris de constater que Saint-Cierge était de Macheville , la vallée de Sumène avec ses terrains de sports et la zone industrielle de la commune de Retourtour .

Le problème est que les routes qui viennent de la vallée du Rhône ou montent sur le plateau ne vont pas desservir qu'une seule de ces trois commune s. Quant aux ponts , ils uniront souvent deux de ces communes : Lamastre à Macheville sur le Condoix et Lamastre à retourtour sur la Sumène . La solution sera de ne pas répéter pour Macheville ou Retourtour ce qui a été déjà dit pour Lamastre .

En 1840 encore , les routes ne ressemblent en rien à celles d'aujourd'hui et leur tracé n'est pas du tout le même . Nous pouvons lire dans l'annuaire départemental de 1839 des Ponts et Chaussées : "Les routes sont en général assises sur le faîte qui sépare deux vallées . La route de Saint-Agrève a des pentes et des rampes qui se succèdent sans interruption . C'est une des premières routes de l'arrondissement de Tournon à rectifier . De Désaignes à Saint-Agève , on gravit un côte très longue et très raide ."

En 1841 , le pasteur suisse François Delettra est appelé à venir prêcher une mission en Vivarais et Velay . A Lamastre , il écrit à la date du 19 août 1841 : "Toute la journée , j'entends la canonnade des mines route de Tournon et d'Annonay , route de Valence , route de Vernoux , route du Cheylard , route de Saint-Agrève par Désaignes , toutes en construction ."

PONT DESIRE BANCEL

Le plus ancien pont connu se trouvait sur le Condoix il y a plus de 300 ans . "En l'année 1677 , le pont de bois qui est sur le Condoix , proche le lieu de la Mastre , se trouva complètement ruiné et en estat de ne pouvoir servir aux habitants de ladite communauté ni au public ." Il ne s'agit pas de l'une de ces planches d'un mètre de large dont nous avons signalé l'existence sur le Sumène , la Béaliaire ou le Doux , mais d'un véritable pont dont la restauration fut réalisée par un charpentier et un maçon . A la bonne saison ce pont voyait passer plus de 100 mulets par jour . Vers 1840-1850 , établi un peu en amont , il sera reconstruit et surélevé de plusieurs mètres . C'est celui qui donne passage aujourd'hui à la rue Désiré Bancel , c'est-à-dire aux routes d'Annonay , Tournon et Valence vers saint-Agrève ou le Cheylard .

PONT DE SUMENE

Le 10 mai 1841 , la municipalité de Lamastre prend la délibération suivante : "La route D 12 de Lamastre à saint-Agrève prend de l'importance chaque jour ... La rectification par Désaignes a décuplé le passage . Il est très urgent qu'il soit établi un pont sur la rivière de Sumène ." . "En attendant , il conviendrait d'établir une passerelle provisoire afin que l'on puisse passer par les grosses eaux qui arrêtent même les simples piétons ."

Le 30 mai 1850 , le Conseil vote une subvention de 5 000 francs pour faciliter et accélérer la construction de ce pont . Une diligence va pouvoir assurer convenablement et directement le service des voyageurs de Lamastre à saint-Agrève passant par Désaignes . Il en coûtera 2,50 francs par voyageur et il faudra 3 heures pour effectuer les 20 km . A la montée des Chalayes , les voyageurs seront invités à mettre pied à terre . La construction de ce pont va nécessiter l'aménagement d'une avenue d'accès conduisant de la route du Cheylard au pont . Cette avenue porte aujourd'hui le nom de Konrad Killian .

Konrad Killian est né le 23 août 1898 au château des Sauvages , commune de désaignes , chez son grand-père Siméon Boissy d'Anglas . Bachelier en 1916 , Konrad Killian doit bientôt interrompre ses études pour raison de santé . Paléontologue et géologue , nous le retrouverons en 1920 au Sahara auquel il consacra toute sa vie jusqu'en 1945 . Il est considéré comme le découvreur trop longtemps méconnu du pétrole au sahara .

LA RUE CHALAMET

La construction du pont sur la Sumène et de l'avenue Konrad Killian va diriger toute la circulation allant vers Désaignes et saint-Agrève sur la route du Cheylard au lieu de passer par la plaine . Celle-ci va prendre le nom de rue Chalamet et bénéficier d'un important développement . En premier lieu , du côté de Peycheylard , avec entre autres l'hôtel Pourtier et les maisons Costet fabricants de limonade et d'un excellent jus de fruit naturel . En second lieu , sur le côté de la rue donnant sur la plaine , l'usage du mortier va permettre la construction de maisons solides , encore que , le 7 octobre 1906 (c'était hier) , monsieur Chareyre , boulanger , faisait construire une maison dans la traversée de Lamastre sur le bord de la route départementale n°1 . Elle avait 4 étages du côté aval , la maçonnerie était à peu près terminée , les menuisiers et ferblantiers devaient se mettre à l'oeuvre pour faire la toiture . Dans la nuit de lundi à mardi , cette maison s'est écroulée , ne causant ainsi qu'un dégât matériel .

En troisième lieu , à l'autre extrémité de la rue Chalamet , au terroir de Mourier que nous connaissons aujourd'hui sous le nom des Dévières , un véritable petit village avec au moins ses deux cabarets , son épicerie , ses artisans (menuisier , serrurier , horloger) et son cimetière .

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Victime des persécutions pendant près de deux siècles , au 17ème et au 18ème , les protestants ont abandonné soit leur religion , soit les villages . Ils se maintiennent à la campagne , enterrent leurs morts dans de petits cimetières familiaux proches de leurs maisons . En 1802 , l'Empereur Napoléon 1er leur ayant rendu la liberté religieuse , ils viennent de plus en plus nombreux s'installer au chef-lieu . Mais il n'est plus possible de creuser ces tombes devant chaque maison . Le maire décide alors de leur accorder un carré réservé pour eux au cimetière de Macheville dont ils ont déjà été chassé deux fois . Ils refusent . Finalement , en 1823 , le Conseil municipal décide de construire à Mourier un deuxième cimetière communal de 800 mètres-carrés qui sera bientôt connu sous le nom de cimetières des protestants ou cimetière des Dévières et qu'il faudra régulièrement agrandir , la dernière fois vers 1980 .

UN TERRIBLE INCENDIE

Fin janvier 1935 , "un drame affreux , deux enfants carbonisés dans un incendie" lisons-nous dans le journal de Tournon qui précise : "Mardi , vers onze heures du soir , un violent incendie s'est déclaré rue Chalamet dans la maison habitée par la famille Franza , électricien. C'est à grand-peine que l'on a pu sauver par la fenêtre Mme Franza et son bébé de 9 mois , couchés au premier étage . Mais il a été impossible de sauver les deux petites filles âgées de 4 et 2 ans qui ont péri dans les flammes . Rien n'a pu être sauvé ."

Le 30 janvier , le lendemain du drame , le maire convoque en urgence son Conseil pour accorder un secours immédiat à cette famille . Et la délibération officielle ajoute : "Monsieur le Maire tient à adresser les plus sincères et méritoires félicitations à messieurs Ubaldo et Victorio Avandetto dont le courage a soustrait à une mort certaine madame Franza-Guéret et son petit enfant . Ubaldo et Victorio étaient deux jeunes italiens . Leur père avait été chassé de Turin par Mussolini . Avec lui et leurs autres frères , ils étaient venus à Lamastre réaliser tout le travail de plâtrerie de l'Hôtel de Ville . L'un d'eux , Auguste , sera choisi par ses camarades lamastrois comme le porte-drapeau des anciens combattants de la résistance .

LES FANTOMES DE PEYCHELARD

C'était en 1936 , l'année des grandes grèves . . Des lamastrois installés dans la vallée du Rhône avaient confié la garde de la maison familiale à la fidèle servante . Une nuit , celle-ci entendit du bruit sur le toit , prit peur , tira un coup de revolver et alerta les gendarmes . Ceux-ci vinrent mener l'enquête et , la nuit venue , malgré leur présence , des pierres tombèrent sur le toit . On fit appel aux pompiers à qui l'on confia la garde de l'ancien chemin du château qui passe à flanc de colline au-dessus de la maison . Après un moment de flottement , malgré leur présence , la pluie de pierres reprit de plus belle . de nombreux curieux vient renforcer les pompiers . Rien n'y fit .

C'est alors que de très grandes affiches fleurirent sur les murs de Lamastre . Le Syndicat des fantômes appartenant à la Confédération Unifiée Concernant l'Habillement des evanescents posait publiquement ses revendications : des linceuls en bon état lavés et changés plus souvent , des chaînes plus légères , le congé hebdomadaire du samedi au dimanche et autres avantages . Finalement , gendarmes et pompiers se retirèrent , les curieux également et les fantômes probablement satisfaits du succès de leur manifestation , la pluie de pierres cessa .

LE PONT SUR LE DOUX

Le 4 février 1849 , il est nécessaire de choisir au plus tôt l'emplacement du pont pour le chemin de Lamastre à Nozières . En 1866 , décision est prise : ce sera au bout de la digue . En 1868 , les eaux du Doux sont basses et il faudrait se dépêcher d'établir par voie de régie deux culées de 4 mètres d'épaisseur ainsi que les 4 piles de 2 mètres de large , distantes de 15 mètres les unes des autres et des culées . La longueur totale du pont serait donc de 83 mètres . En définitive , on réalisera 7 arches et le 15 mai 1870 , la construction du pont sera terminée . Il reste maintenant à passer sur le pont là-haut , très haut . Pour cela , il v falloir construire une avenue de 7 ou 8 mètres de large . cette avenue , très longue , partira du monument Seignobos pour atteindre progressivement le tablier du pont et nécessitera des travaux peut-être plus importants encore que ceux du pont . Le rez-de-chaussée des magasins de la rue du Marché aux Herbes (le haut de la place Montgolfier) se trouve déjà 3 mètres au-dessus du niveau du sol . A l'autre extrémité de la rue du Pont du Doux (aujourd'hui rue Olivier de Serres) , le rez-de-chaussée des appartements forme le 2ème étage côté jardin . Une parcelle non construite permet d'estimer facilement la hauteur de cette avenue (environ 7 mètres).

LE NOUVEAU PONT

En 1980 , le pont sur le Doux est devenu dangereux . Deux produits miracles l'ont tué . D'abord le bitume et les gravillons généreusement répandus ont porté la chaussée trop étroite à la hauteur des trottoirs en magnifiques pierres de Crussol . Les camions et les cars peuvent donc facilement se croiser en roulant sur les trottoirs . Mais il ne reste plus de place pour les piétons . Le deuxième produit miracle qui se révèle être l'ennemi du pont est le sel , chlorure de sodium parfait pour faire fondre la neige ...et le fer incorporé dans les constructions . Déjà , la barrière de protection est disjointe des trottoirs en plusieurs endroits . Aucun crédit disponible pour ce qui , vu de Privas , n'apparaissait peut-être pas très urgent . C'est alors que le Maire est avisé officiellement que Monsieur le Préfet , les Conseillers Généraux membres de la Commission des routes et responsables départementaux des <ponts et Chaussées seront prochainement de passage à Lamastre à 8 heures du matin . Ce n'était pas une invitation , seulement l'occasion de se dire bonjour . Lorsque le Maire se présenta au local ces Ponts et Chaussées , une bonne partie de ces messieurs avaient déjà réintégré les voitures . Tout ce monde était pressé , mais Monsieur le Préfet accepta de consacrer cinq minutes au pont .

Pour bien montrer qu'ils étaient pressés , tous les membres de la caravane se précipitèrent sur le pont , tandis que le Préfet guidé par le Maire arrivait par dessous et s'aperçut qu'il s'était arrêté exactement à la verticale de morceaux de trottoirs se balançant , plus ou moins bien accrochés à une barrière métallique qui n'avait plus aucun contact avec le calcaire de Crussol .

Monsieur le Préfet , considérant que le pont présentait un véritable danger , prit alors la direction des opérations . Il n'y avait pas d'argent disponible : on en trouverait . La commune accepterait-elle de participer aux travaux ? Le 21 janvier 1981 , la dépense totale des travaux étant estimée à 1 300 000 francs , le Conseil municipal accepta de prendre en charge les annuités d'un emprunt de 320 000 francs qui serait sa participation . En mars 1982 , les travaux du pont élargi de 2,50 mètres sont adjugés à l'entreprise Seive d'Annonay qui commence en avril . Arrêt pendant la saison touristique et fin des travaux en 1982 . TOUS les travaux ont été exécutés sur place par six ouvriers portugais pendant que deux autres coulaient à Annonay les lourdes dalles constituant le nouveau tablier .

A la fin des travaux , le Maire proposa un bon repas . D'accord . Chez Barattero . Non - Pas Baraterro , mais Rochette . Et c'est ainsi que nous nous retrouvâmes autour d'une bonne table avec Edmond Demore adjoint aux travaux , Banchet , chef de la subdivision de Lamastre des Ponts et Chaussées , les ouvriers et leur patron qui offrit le champagne pour terminer la "reboule" .

Sur de solides piliers et ses arches plus que centenaires , le pont de Tain avait retrouvé une nouvelle jeunesse , rendant la sécurité aux piétons et aux poussettes pour enfants .

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RUE OLIVIER DE SERRES

(1529-1619) Ce diacre protestant a apporté à l'agriculture d'importantes innovations avec plusieurs siècles d'avance . dans son domaine du Pradel , il expérimentait tous les produits agricoles possibles et notait régulièrement tous ses résultats . Dès la découverte de l'Amérique , il récolte des pommes de terre (qu'il appelle "cartoufles") et ceci deux siècles avant Parmentier . Il introduit l'élevage des vers à soie qui feront la fortune de l'Ardèche , crée d'ingénieux systèmes d'irrigation , invente la charrue à retournement ....Olivier de Serres fut en fait le premier et le père de tous les ingénieurs agronomes . "Le théâtre d'agriculture et mesnage des champs" , important ouvrage où il décrit ses expériences et ses résultats , sera répandu dans toute la France par ordre du Roi et restera pendant plusieurs siècles la Bible des jardiniers et des paysans .

Contemporain des interminables guerres de religion , Olivier de Serres fut à la fois le capitaine des protestants de la région de Villeneuve de Berg et un remarquable conciliateur recherchant toujours la paix avec ses voisins catholiques .

La rue Olivier de Serres est une rue très commerçante . Le Pont sur le Doux lui amène des chalands de toute la rive gauche , des hauts de Désaignes à Lalouvesc , de Pailharès à Saint-Félicien . C'était mon domaine et je revois au moins 6 cabarets , 2 boulangers , 3 épiciers , chapelier , ébéniste , sculpteur sur bois , tailleurs , ferblantier et rétameur .

LA CHAPELLE

En 1895 , le Conseil municipal vend à Monsieur Bourdon un terrain situé à l'extrémité de la rue proche du pont pour y construire une usine électrique . Celui-ci doit abandonner son projet et c'est l'Eglise évangélique libre qui achète les bâtiments inachevés pour y édifier un temple que les lamastrois connaissent sous le nom de "la chapelle" . Les Eglises évangéliques libres sont des églises protestantes qui , sous le règne de Napoléon III se sont volontairement séparés de l'église officielle pour des raisons doctrinales et de l'Etat pour rester libres en face du pouvoir .

MA GRAND-MERE

Ma grand-mère n'habitait pas loin . Je la revois binant ou sarclant son jardin , vendant ses blettes pour les caillettes et petits plants rue du Marché aux Herbes , donnant la feuille à ses magnans ou bien , à la bonne saison , assise devant sa porte , lisant sa lourde Bible sur les genoux .

Il ne faudra voir dans ces souvenirs ni paupérisme , ni forfanterie , seulement la vie telle qu'elle était alors .

Au jardin , j'approchais les outils , tirais l'eau du puits avec un arrosoir jusqu'au jour où je voulus explique qu'avec une pompe électrique ...la réponse ne tarda pas à arriver : "Que diraient les gens si j'achetais un moteur quand j'ai un homme à la maison . "L'homme" n'était pas plus fier que ça de cette promotion . J'eus bientôt droit à cette parabole inattendue qui ne racontait que la réalité des faits .

-"Tu sais que moi aussi je suis allée au lycée à Tournon ."

Interloqué , j'allais répondre qu'il n'y avait pas de lycée de filles à Tournon sous Napoléon III lorsque la suite arriva .

-"Il n'y avait pas de temple à Tournon , ni de pasteur . Nous , nous étions quelques filles de Lamastre à une fabrique des environs pour gagner notre trousseau de mariage . Toutes les semaines , un parent nous apportait pain , lard , choux , raves et pommes de terre pour préparer nos repas .Le dimanche , le patron nous autorisait à aller au culte . Nous avions acheté des robes comme celles des dames , ou presque , et aussi de vrais souliers . Mais il nous fallait parcourir 6 ou 7 km par un chemin plus que caillouteux . Alors , nous partions pieds nus , les souliers à la main pour ne pas les user et nous les chaussions simplement à l'entrée de la ville . Arrivées au lycée , il fallait descendre des escaliers , entrer dans une cour carrée , puis dans une classe où un professeur du lycée célébrait le culte ."

Je reconnus la salle où je suivais moi-même les cours d'instruction religieuse qui étaient alors au programme du lycée .

Et puis un jour elle me dit :

-"Tu sais , autrefois les gens étaient malheureux . Nous , nous avions deux jours de pain par an .

Atterré , je voyais Jean-Paul Soubeyrand , mon arrière grand-père , pouvant donner du pain à sa femme et à ses quatres enfants deux jours par an seulement . Finalement , je protestais :

-"Deux jours par an , ce n'était pas possible !

-Si , mais d'autres avaient plus que nous . Mr Changeat et Boissy d'Anglas avaient huit jours ."

Toutes les notions que je pouvais avoir sur la bourgeoisie s'effondraient . En fait , le dimanche , au culte , les diacres délivraient aux plus miséreux , aux veuves âgées , des bons de pain à prendre gratuitement chez le boulanger désigné . Et deux dimanches par an , mon arrière-grand-père fournissait gratuitement au boulanger la farine nécessaire . Ceux qui , étant valides , ne pouvaient rien donner , apportaient le bois pour cuire le pain .

Je terminerai par ce dernier souvenir : la mort à la guerre de 1870 de son frère âgé de 17 ans . Là , fort de ma science , je répondis que ce n'était pas possible . C'était pourtant vrai et fort simple . Un garçon de 3 ans venait de mourir au moment de la naissance du conscrit . Le père Soubeyrand ne s'amusa pas à perdre son temps à Saint-Basile , où naissaient toujours ses enfants , à chercher le maire ou le secrétaire , les témoins et boire quelques canons au bistrot . Il ne bougea pas : Dieu lui avait enlevé un fils , il lui en rendait un autre . Que la volonté de Dieu soit faite . C'est ainsi que le nouveau né eut 3 ans le jour de sa naissance .

LE PONT DE LA GARE

En 1890 , le chemin de fer départemental arrive de Tournon et rattache Lamastre à toutes les grandes villes desservies par le réseau national P.L.M. (Paris-Lyon-Marseille) . La construction d'un deuxième pont sur le Condoix s'avère indispensable et il s'agit d'être à la hauteur de la situation . On réalisera une voie de 15 mètres . Le Conseil municipal estime alors que la participation de la Commune se montera à 7 ou 8 000 francs , couverte en grande partie par une souscription volontaire des propriétaires et commerçants les plus intéressés .

Hélas ! pour une largeur de 15 mètres , la part de la commune se monterait à 25 000 francs . On en revient donc à un pont de 6 mètres , puis on marchande . Pour un pont de 8 mètres de large , la participation de la commune sera de 4 700 francs , déduction faite du produit de la souscription volontaire .

Cette avenue porte aujourd'hui le nom de Boissy d'Anglas .

Boissy d'Anglas

En 1706 , Jean Boissy est tué par les soldats alors qu'il cherchait à franchir la frontière pour aller en Suisse . Le frère de celui-ci est condamné aux galères .

Antoine , fils de Jean , exerce à la fois au Savel les fonctions de notaire , châtelain et contrôleur des deniers royaux , toutes trois interdites aux protestants .

Il fera alors baptiser une dizaine d'enfants à Macheville dont quatre survécurent : une fille restée célibataire , l'autre mariée au Sieur de Saint-André , consul (maire) et greffier de justice , destitué pour cause de religion . Deux fils , Jean-François , réfugié en Hollande où il exerce , dit-on , les fonctions de Ministre (pasteur) , l'autre Jean-Antoine , docteur en médecine , désigné par les églises protestantes interdites en Vivarais pour obtenir à Paris plus de tolérance .

Le fils de ce dernier , François-Antoine , né en 1756 , établi à Annonay prend en 1788 la tête du gouvernement révolutionnaire , participe à la rédaction des Cahiers de Doléances du Haut-Vivarais . Elu du Tiers-Etat aux Etats Généraux et à la Constituante , il vote contre la mort de Louis XVI , obtient la liberté du culte pour les protestants .

Le 5 avril 1795 , il est Président de la Convention lorsque les émeutiers pénètrent dans l4assemblée en lui présentant la tête de son collègue Feraud plantée au bout d'une pique . Boissy d'Anglas se lève , se découvre et le salue respectueusement. Son impassibilité physique et morale déconcerte les émeutiers qui se retirent .

Membre du Comité du salut Public , il sera élu au Conseil des 500 par 72 départements à la fois . Louis XVIII le nommera Pair de France , Napoléon le nommera Paire de France et Louis XVIII Pair une troisième fois ce qui est exceptionnel . Il sera désormais officiellement Comte Boissy d'Anglas . Prudent et modéré libéral , toujours soucieux de l'ordre public , tolérant autant qu'on pouvait l'être , il gardera toujours ses profondes convictions familiales . Ses descendants conservèrent le château des Sauvages à Désaignes jusqu'au début du 20ème siècle .

LA PLACE

Le 6 juillet 1531 , François 1er , roi de France ,à la demande de Charles de Joyeuse , baron de Mastre , accorde à notre village le droit de tenir quatre foires par an et un marché hebdomadaire . Ces foires , encore modestes , se tenaient alors aux abords du monuments Seignobos ou de l'Hôtel de Ville et en furent un jour chassées par les inondations .

"Au début du 19ème siècle , écrivait Charles Seignobos , député , la Mastre n'était qu'une misérable bourgade presqu'uniquement composée par la rue d'En Bas (la rue Noire ou du Savel) . La Place , en pente raide , était bordée de quelques maisons sans alignement et moitié en bois . C'étaient d'anciens jardins sur lesquels les propriétaires laissaient tenir les foires et les marchés moyennant rétribution . J'en ai vu , depuis 1823 construire ou reconstruire presque toutes les maisons ." Charles Seignobos le précise bien : ce n'était pas là une place communale , mais des propriétés privées . Il ignorait cependant que cet espace porterait un jour son nom et un monument de reconnaissance . Le Conseil municipal , au contraire , en était arrivé à considérer qu'il s'agissait de place publique et commença à réaliser les travaux indispensables comme nous le montre cette délibération de 1826 . "Attendu que la place est en pente très rapide à cause d'une élévation vers le milieu qu'il faudrait enlever . Il en résulterait une utilité plus que majeure puisqu'en hiver il est impossible de la traverser sans danger et que beaucoup de personnes par le temps de glace ou de neige s'y laissent tomber". Par la même occasion , le Conseil décide d'encaisser les droits de pesage et de mesurage . En 1823 , sur une recette totale de 1 400 francs , les impôts entrent pour 250 , les loyers des biens communaux pour 400 , et les droits de pesage pour 613 . En 1853 , les impôts rapportent 1 300 francs à la commune , les droits de place 1 460 et les droits de pesage 1 740 francs . Mais 3 propriétaires , Bancel , Bouix et Lamblart , intentent un procès à la commune et le gagnent . Il va falloir les exproprier et tous les autres avec eux .

Mais le Conseil n'a pas attendu pour continuer les travaux . En particulier colmatage du "cloaque" , canalisation en dur de la béaliaire pour obtenir un débit régulier et l'assainissement de la place , remblaiement de tout le bas fond en enterrant le canal .

LE COMICE DE 1860

Cette année-là , Lamastre a pour la première fois l'honneur et la charge d'organiser les samedis et dimanche 15 et 16 septembre , la tenue du comice agricole , c'est-à-dire le concours agricole de tout l'arrondissement de Tournon . La place va exploser . Il faudra aussi utiliser le Champ de Mars péniblement nivelé et approprié aux diverses catégories du concours qu'il recevra . Tous les lamastrois se mobilisent . A l'entrée et à la sortie de la route de Tournon au Cheylard , vont s'élever des arc de triomphe enguirlandés de buis et de verdure . Toutes les maisons sont pavoisées . Sur la place du marché , des mâts vénitiens reliés entre eux par des guirlandes de verdure laissent flotter au vent des flammes aux couleurs nationales et jalonnent l'espace destiné aux danses publiques et à celui réservé à la distribution des récompenses du comité . En raison de l'orage , la retraite aux flambeaux ne peut être exécutée que vers 9 heures du soir entre deux orages . Le dimanche à 9 heures et demi , les autorités , les membres du jury et une foule nombreuse précédée des pompiers et de la fanfare , se rendent à l'église où doit se célébrer une messe en musique parfaitement exécutée .

A deux heures et demi , monsieur le comte de l'Angle du Manoir , sous-préfet de Tournon , monsieur le marquis de la Tourette , président du Comice , monsieur du Besset , l'honorable Maire de Lamastre et le cortège des autorités viennent prendre place sur l'estrade d'honneur où chacun y va de son discours .

"La Société chorale d'un côté , la fanfare de Lamastre de l'autre , prêtait alternativement le concours de leurs chants ou leur harmonie à cette solennité .Les dames avaient pris place dans l'enceinte qui faisait face à l'estrade et la foule compacte et curieuse admirait ."

Après les discours , ce fut le moment des récompenses et elles furent nombreuses . On décora les animaux reproducteurs , taureaux , vaches , génisses , chevaux , béliers , porcs , volailles , lapins , les fabricants de produits agricoles : Héritier de Désaignes pour son tarare , Géry d'Empurany pour ses faucilles , Pissard de Lamastre pour sa brouette à bascule , les producteurs de fruits , fleurs , légumes et graines fourragères , Genthial de Désaignes pour ses objets d'art , les plus beaux cocons , vins et finalement les anciens serviteurs (35 ans , 46 ans et 54 ans de service) .

UN PEU D'URBANISME

Aucun obstacle ne va plus empêcher l'extension de la place vers l'ouest . La place (place Seignobos) , la petite place (au pied du chemin du château) , l'ancienne place du marché (place de la République) , le champ de Mars avec la rue du Marché aux herbes (place Montgolfier) ne formeront bientôt qu'une seule place . En 1881 , la commune enrichie par ses marchés va se lancer dans des travaux d'urbanisme et décide l'alignement des maisons de la place Seignobos .Aujourd'hui , alignement veut dire imposer à tous les futurs propriétaires la construction des maisons sur une même ligne . En 1882 , c'est beaucoup plus que cela . Il s'agit aussi de réaliser immédiatement un trottoir à 2 mètres des maisons qui aura une pente régulière de 32 mm par mètre et sera établi aux frais des propriétaires . Mon grand-père Ladreyt-Penel exerçait vers le numéro 8 la profession de sabotier et bien entendu cabaretier . Il constate que le trottoir va se trouver à 67 cm au-dessus du seuil de son établissement ce qui lui pose un grand préjudice en l'obligeant à faire des réparations urgentes et dispendieuses pour rendre son débit accessible et décide d'actionner la commune et d'autres avec lui . Oui , mais voilà . "La création des bordures a été décidée par délibération du 16 mai 1881 , publiée et affichée dans les normes et aucune opposition ne s'est manifestée .

Il ne reste plus qu'à s'incliner .

Remblaiement et alignement vont surélever le bas de la place de plusieurs mètres . Il suffit d'entrer par une rampe en compagnie de Georges Crouzet dans les sous-sols de son magasin situé à l'angle de la place Seignobos et de la place Montgolfier pour y reconnaître encore aujourd'hui des fenêtres d'autrefois . Il suffit aussi de se rappeler à quelle profondeur il a fallu creuser en 1993 pour installer les grosses buses destinées à évacuer les eaux de la rue Hérold . 

LES MARCHES DE LAMASTRE

Les marchés de Lamastre prennent chaque année plus d'ampleur .

En 1894 , il y a donc exactement 100 ans , on a amené sur la place 2 980 vaches , 5005 veaux 15 128 porcs gras , maigres ou d'élevage , 2 320 moutons , 5 160 chevreaux , sans compter les noix , les pommes et les châtaignes dont la quantité variait énormément , du simple au décuple , selon les années .

En un seul jour , pour la foire de Notre Dame il est vrai ,le 28 décembre , on compta 360 porcs gras , 90 porcs d'élevage , 130 vaches et 70 veaux .

Il y a quelques années encore , chaque ménage faisait sa provision , tuait un porc ou un pied , selon ses besoins ou ses moyens . Aujourd'hui , c'est fini . Les derniers cochons , élevés avec des produits doctement dosés ne valent rien et ont disparu . Les saucissons et jambons coulaient et pourrissaient . Seuls les charcutiers , je ne sais comment , continuent à présenter des produits "maison" fort recherchés .

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