C’est un pays de 93 millions d’habitants, dont on n’a pas beaucoup parlé depuis le début de la crise du coronavirus. Un pays qui a pourtant été l’un des premiers à compter un cas officiel de Covid-19, le 23 janvier. Un cas importé de Chine : pas étonnant, le Vietnam – puisque c’est de ce pays qu’il s’agit – a une frontière commune avec son puissant voisin.

Ce qui est plus étonnant, c’est la situation trois mois plus tard. Au 22 avril, le Vietnam ne compte que 268 cas de coronavirus au total. Et aucun mort. Comme si le pays avait été littéralement ignoré par une pandémie qui, rien qu’en France, a touché près de 160 000 personnes, dont plus de 20 000 ont perdu la vie.

« C’est une véritable énigme », confie à Ouest-France Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l’Institut Pasteur, qui écarte d’emblée une manipulation des chiffres dont on pourrait soupçonner ce pays dirigé par un parti communiste à la poigne de fer.

« Il y a sans doute un peu plus de cas, il y a peut-être des morts dont on n’a pas connaissance dans les campagnes, renchérit une source à l’intérieur du pays. Mais s’il y avait des gens qui se rendaient massivement aux urgences, on le saurait. Il n’y a aucune entreprise gouvernementale pour masquer la situation. » Avec les réseaux sociaux, très utilisés au Vietnam, ce serait de toute façon très difficile.

Alors comment expliquer ce succès ? Voici les trois secrets du Vietnam face au Covid-19.

1. Le Vietnam a frappé fort, et vite

Au Vietnam, les écoles sont fermées depuis le 20 janvier. Non pas à cause du coronavirus, mais du Nouvel an, le Têt. Seulement, elles n’ont jamais rouvert. À titre de comparaison, en France, il a fallu attendre le 18 mars pour adopter une telle mesure.

Les frontières avec la Chine ont été fermées dès le 1er février, une décision qui prenait le contre-pied des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La France n’a pris aucune mesure en ce sens, appliquant seulement le 17 mars la décision européenne de fermeture de l’espace Schengen.

Enfin, dès le 30 janvier, un comité interministériel de crise, avec des scientifiques, est mis en place quand, chez nous, le conseil scientifique n’a été installé que le 11 mars. Les mesures d’interdiction des rassemblements de plus de 20 personnes, puis 10, et la décision de fermer les commerces non essentiels ont été prises elles aussi beaucoup plus tôt.

« Politiquement, tout cela était impossible à faire en France, analyse un membre du conseil scientifique. Alors qu’on n’avait aucune preuve de la circulation du virus, ça n’aurait pas été accepté par la population. »

Pourquoi la population vietnamienne, qui a aussi été hyper sensibilisée aux gestes barrières dès le début de l’épidémie, a-t-elle accepté ce que la population française aurait refusé ? Question de culture, dans un pays confucéen où le groupe l’emporte sur l’individu. Question politique aussi, là où le parti communiste est depuis la chute de Saïgon, en 1975, le parti unique qui impose sa mainmise sur la société.

2. Le Vietnam a frappé de façon ciblée

Ce que la population vietnamienne a accepté, c’est aussi une stratégie très ciblée d’isolement. Les cas avérés ou possibles sont systématiquement recherchés selon un processus bien rodé et qui ne souffre aucune discussion. Dès qu’un cas positif est déclaré, il est désigné comme F0 et mis en isolement à l’hôpital.

Les personnes avec qui il a été en contact, désignées comme F1, sont testées et mises en quarantaine, dans des centres de regroupement gérés par l’armée ou à l’hôpital. Et les contacts de ces contacts, désignés comme F2, sont priés de rester en quatorzaine à leur domicile. Ils n’ont pas trop le choix : « Le contrôle social est très fort, rappelle une source à l’intérieur du pays. Si quelqu’un sort de chez lui alors qu’il n’en a pas l’autorisation, il sera aussitôt dénoncé. » Si un F1 est déclaré positif, il devient F0 et ceux qui étaient alors ses F2 deviennent des F1.