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Jean Beranrd, qui a été Président de l’Association Culturelle de Désaignes et de l’Association du Musée de Désaignes a adressé ce témoignage de mémoire concernant  des lamastrois qui  on apporté leur pierre à l’esprit de liberté et de Résistance en des temps troublés.

 La mémoire au Musée municipal de Desaignes.

plaquette musee desaignes

Il y a 100 ans la 1ère guerre mondiale, 20 millions de morts, il y a 75 ans la seconde, 60 millions de morts.

Le rappel de ce passé « proche » est conservé au Musée avec de nombreux exemple de courage comme celui de Julie protégeant des maquisards blessés et des juifs

 

La Résistance au quotidien

Julie Crumière, Lamastre

Des Lyonnais en Ardèche, Ferdinand (lamastrois d’origine) et Julie Crumière vivent à Lyon.

Ils ont une maison à Lamastre, surplombant le bourg, un peu à l’écart, route de Nozières, la villa « Sam Suffy ».

Julie et ses 2 enfants, Andrée et Jeannot, vivront à Lamastre de sept 1939 à 1945, pour être dans une région plus protégée (c’est ce qu’ils pensaient).

Mais Julie n’accepte pas la politique de collaboration du gouvernement de Vichy et va participer, à sa mesure, à la résistance.

julie crumière lamastre

L’Ardèche est un refuge pour persécutés

A la maison voisine un couple juif, Daniel et Marcelle Levi, a loué un appartement, fin 1939 ou début 1940, Daniel est diplomate, ex-consul de France. Julie, expansive et accueillante, va de suite se lier d’amitié avec ses voisins.

Daniel connaît Ferdinand Hérold (1865-1940), poète qui, dans sa maison de Lapras (St Basile), réunit chaque été des écrivains, poètes, musiciens ou hommes politiques (Valery, Pierre Louys, Courteline, Maurice Ravel,  etc) et qui participe activement à la lutte contre le racisme.

C’est sur son conseil que, dès la guerre, Daniel Levi vient dans la région, à Lamastre, d’abord à l’hôtel du commerce chez Antoine Couturier, où, en effet, venaient de nombreux juifs (ils étaient tous envoyés par Hérold ?).

Puis il loue un appartement route de Nozières, chez M. et Mme Pascal, où il s’installe avec son épouse, d’origine italienne (de Trieste), leur fils Jean-François qui vient de naître (on fêtera son anniversaire de 2 ans en 1942), et sa mère, née Weill.

Mme Weill meurt peu après, inhumée à St Basile (peut-être Lapras ?)

Le frère de M. Levi et sa famille feront partie des 7500 juifs pris dans la rafle du vélodrome d’hiver à Paris, le 16 juillet 1942. Les allemands en exigeaient 28 0000 !

Liberté et prudence à Lamastre

En zone libre la vie est relativement paisible, voire probablement désœuvrée, malgré la montée de la peur et de la haine.

Daniel Lévi fait souvent le trajet de quelques centaines de mètres pour “descendre en ville” pour les achats quotidiens. Le risque est d’abord limité puis s’accroît à partir de novembre 1942 lorsque les allemands envahissent la zone libre.

Les Lévi restent toujours prudents, discrets et prêts à disparaître.

D’ailleurs, cette disparition est organisée : De l’appartement on peut surveiller la route qui monte de Lamastre. En cas de danger présumé ou réel, la famille peut partir par les terrasses et se cacher dans le cabanon de jardin du père Fosset, à Coquet, un hameau proche et plus difficile d’accès.

La vigilance à chaque instant

Et les amis, nombreux malgré tout, enfants compris, participent à la sécurité Andrée Crumière, 9 ans en 1942, allait à l’école en prenant au passage sa cousine Ginette,10 ans, 2 rue Olivier de Serres, où Rose Crumière tenait un épicerie.

M. Lévi étant un excellent répétiteur pour les devoirs des 2 fillettes.

Plusieurs fois, l’une ou l’autre, ou les deux, ont du remonter route de Nozières avertir que des allemands ou des miliciens étaient ou risquaient de venir à Lamastre.

Au moindre risque, Ginette prenait son cartable pour avoir l’air d’aller faire ses devoirs, et montait chez sa tante Julie donner l’alerte.

Effectivement le risque était permanent et ne cessait de s’aggraver.

Les gendarmes sont venus route de Nozières arrêter Daniel…qui n’était plus là. Ils se sont contentés de la réponse de son épouse qui “ne sait où il est”.

Pendant une période, se sentant menacés, ils sont partis à Mounens (St Basile) pour être plus en sécurité.

Ils connaissaient également les juifs de la route de Vernoux qui avaient du se trouver avec eux à l’hôtel du commerce en 1940. Mais ils critiquaient leur imprudence.

Ils étaient invités à les rejoindre (mais ont décliné l’invitation), le 13 avril 1944, où, alors qu’ils fêtaient la venue d’une amie, les allemands et les miliciens les ont arrêtés.(voir sur un autre présentoir les textes sur ces arrestation)

L’amitié demeure, la paix revenue

Julie est restée liée aux Lévi . Daniel l’appellait sa sœur. Cette amitié ne s’est jamais démentie.

M. Lévi a été par la suite ambassadeur en Inde, au Japon, en Finlande, d’où le contact épistolaire a été régulier, de même que leurs venues à Lyon ou Lamastre.

Retraité, vivant à Verrières les Buissons, il a continué des relations amicales avec la famille Crumière.

La protection de maquisards blessés

L’autre action de résistance de Julie concerne l’accueil de maquisards blessés.

Les dates sont peu précises car les témoignages d’aujourd’hui sont ceux de fillettes de 10 ans à l’époque ! Ces faits datent vraisemblablement de 1943.

Les clandestins ont, probablement plus que les autres en raison du genre de vie qui est le leur, des problèmes de santé. Le docteur Elysée charra, de Lamastre, les sœurs de St Joseph infirmières à l’hôpital, les sages femmes Nénette Canonge à Lamastre et Eugénie Brunel à Gilhoc les soignent. Mais dans les fermes isolées et les baraques où se terrent les maquisards, les conditions de vie ne se prêtent pas à des soins importants. Ce sont donc des particuliers qui prendront le risque de les recevoir chez eux. Mmes Chaudier et Crumière, route de Nozières le faisaient.

blesse FTP crumiere

 Julie avait 1 ou 2 pensionnaire, des maquisards F.T.P.F. :

 “Raymond”,(nom véritable Roger Large), blessé, d’abord soigné à l’hôpital de Lamastre par Elysée Charra.

Par crainte de dénonciation, il fallait qu’il quitte l’hôpital…Julie l’a reçu.

Zizi” (nom véritable Eugène Desprez), gravement blessé par les gendarmes de St Donat où il circulait en camion. Il a sauté du camion et s’est réfugié dans un poulailler pendant 3 jours.

Il a été trouvé par le propriétaire, opéré à Valence (à la jambe ?) puis réfugié chez Saignol au maquis de la Grangette, proche de la Grand Pras. Mais le 30 août 43 (c’est ce qui permet de dater la présence de Zizi chez Julie) les maquisards de la Grangette font une mauvaise rencontre et tirent sur des gendarmes au Pont des Badons. Il faut évacuer d’urgence la Grangette. Le groupe va momentanément chez Ruel, à la ferme de Josserand (Desaignes), avant de trouver une autre cache.

Zizi , blessé, ne peut partir. Il est reçu chez M. et Mme Chaudier, voisins de Julie.  M. Chaudier est percepteur à Lamastre. Mais la perception est cambriolée…par le Maquis ?

Une enquête va être engagée et M. Chaudier est directement concerné. D’où le danger. Zizi passe alors à la maison voisine, chez Julie.

L’intendance suit-elle ?

Les Soins : Les docteurs Charra ou GrandColas, ou une religieuse de l’Hôpital, venaient faire les pansements, généralement de bon matin ou tard le soir, pour éviter d’être vus.

Mais ce manège intriguait une voisine qui se posait des questions sur la santé ou la moralité…… Mise au courant … et au secret…. elle l’a gardé !

Le coût : Les blessés n’avaient pas grand chose pour payer, l’organisation FTPF non plus.

Julie y faisait face, aidée par sa famille et des amis…..Le boulanger, Louis Malfay donnait du pain, le boucher-charcutier, Montagne, de la viande…et on gagnait ainsi 1 jour de paix par 24 heures!.

La famille : Ferdinand Crumière, resté à Lyon, ne savait rien des risques que prenait son épouse. Bien sur, on ne disait rien par téléphone ou par courrier !

Lorsqu’il est venu à Lamastre, c’est son frère, Martial, qui est allé l’attendre à la gare du C.F.D., pour le mettre au courant.

Il est vrai que le risque était grand ! Mais Julie le prenait – comment dire – naturellement, par compassion envers ces malheureux persécutés.

 

La reconnaissance : En plus de l’amitié à vie conservée avec les gens qu’elle a aimés et aidés, Julie a reçu, signé par Charles Tillon le 19 juillet 1946, un

Diplôme décerné par le Comité Militaire National des Francs – Tireurs- Partisans – Français,

pour “aide et assistance aux F.T.P.F., au péril de sa vie et de ses biens”,

lui affirmant “la reconnaissance de la patrie libéré”.

diplome FTP crumiere

 Sources :

Témoignage Andrée et Ginette Crumière

Souvenirs personnels  (Jean Bernard, Musée de Desaignes)

                        

Julie Crumière a fait preuve d’un tel dévouement que ceux qu’elle a aidés lui en ont gardé une reconnaissance à vie.

La famille Lévi est revenue souvent à Lyon ou Lamastre revoir la famille Crumière et ceux qu’ils appellent dans leurs courriers ‘tous les amis de Lamastre”.

Et les courriers ont été envoyés régulièrement des ambassades.

En voici quelques exemples :

                   New Delhi en mai 1948, lettre de Marcelle Lévi

                            “J’ai été très heureuse de recevoir vos bonnes nouvelles…”

                   New Delhi en décembre 1948, lettre de Daniel Lévi

                            “Il n’est pas de jour où nous n’évoquions votre souvenir et  toute la courageuse gentillesse que vous nous avez montrée                                  pendant ces années…”

                   Tokyo en décembre 1941, lettre de Daniel Lévi

                            “ Nous vous envoyons notre vieille et fidèle affection…”

Eugène Deprez, le blessé FTPF, dit “ZIZIécrivait en 1983 à Julie qu’il appelle encore Tata Juju.

 

         “Croyez bien que je pense toujours à vous et à mon passage à Lamastre.    C’était le bon temps…”

        

         Il envoie le bonjour à toutes les familles Crumière, aux résistants qui l’ont aidé, Edmond Lespet, Charles Saignol, Paul Bruas, le docteur Grandcolas qui l’a soigné

         Et il demande l’adresse de son copain d’infirmerie, Raymond, avec qui Julie est également restée en relation.

Mémoire de Jean Bernard.

 

 

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