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   Les Amis du Vieux Desaignes et le Musée Municipal                                                                      

 

Manifestation du souvenir le 28 octobre 2012

L’institut Yad Vashem, en Israël,  avait identifié, au 1er janvier 2011, à travers toute l’Europe, plus de 23 000  « Justes parmi les Nations ». Parmi eux 2693 Français ont leurs noms gravés sur le «Mur des justes» au centre de Paris.

Les « Justes » reçoivent de Yad Vashem un diplôme d’honneur ainsi qu’une médaille sur laquelle est gravée cette phrase du Talmud : « Quiconque sauve une vie sauve l’univers tout entier ».

Mais la majorité des personnes ayant protégé des juifs pendant la seconde guerre mondiale reste inconnue. L’anonymat était la règle à l’époque puisque cette protection devait rester clandestine pour être efficace.

Ensuite tout le monde s’est efforcé d’oublier cette période tragique dont le bilan s’élève à 60 ou 70 millions de morts dans le monde, dont 3 millions de  juifs. Il fallait reconstruire, travailler pour un  avenir meilleur, revivre en somme…

Puis le temps a passé et maintenant une question se pose : Pourquoi n’avoir rien dit ? Et donc pourquoi ne pas le dire aujourd’hui ?

Emile Marmurek a tenu à y répondre en rendant hommage à ceux qui l’ont sauvé.

Il est revenu à Désaignes ce 28 octobre 2012 et c’est avec beaucoup d’émotion qu’il a inauguré un panneau souvenir dans la salle « Résistance » du Musée municipal.

Jean Bernard

 

Emile Marmurek  nous livre « son histoire d’enfant juif » en France et à Désaignes:

Quelques mots sur mon histoire.

Je suis né le 8 mai 1939 à Paris dans le 11ème arrondissement.

Quelques mois après ma naissance , mon père : Chaïm Lejb MARMUREK fut interné ,malheureusement les éléments que j’avais pu recueillir à ce sujet ne me permettent pas de dire s’il avait été engagé volontaire dans l’armée Française ou arrêté à la suite de la convocation dite du « billet vert » et interné au camp de Pithiviers sous le matricule 947 du baraquement n°7 , il fut ensuite déporté à AUSCHWITZ ,par le convoi n°4 du 27 Juin 1942, ou il fut assassiné.

Ma mère ,Chawa née ROSENBLAT , restée seule à Paris décida de passer en « zone libre » en m’emmenant avec elle mais elle et moi nous fumes arrêtés en passant la ligne de démarcation à Châlons sur Saône à partir de Aout 1942 et gardés dans un camp qui était je présume dans cette région , j’avais 3 ans à cette époque et j’ai peu de souvenirs de cette époque sinon quelques « flashes » qui hantent toujours ma mémoire comme celle d’une homme voulant se sauver avec un attelage de chevaux, j’entends un bruit ,l’homme se met debout et tombe…,j’ai aussi le souvenir de ma mère m’arrachant des mains un papier que je voulais manger … ces 2 images me réveillèrent comme des cauchemards pendants de nombreuses années.

Après quelques jours d’internement ma mère et moi fûmes séparés :je fus recueilli par la Croix Rouge et transféré au centre Guy Patin et ensuite transféré dans un hôpital car je souffrais de malnutrition et de problèmes respiratoires (asthme ).

C’est là que la sœur de mon père vint me rechercher entre temps ma mère fut conduite à Drancy d’où elle fut déportée à AUSCHWITZ par le convoi n°26 du 31 Août 1942 où elle fut assassinée.

La sœur de mon père Thérèse SCHUBERT née MARMUREK qui avait la chance, à cette époque , d’avoir un nom qui n’était pas de connotation Juive et qui habitait 104 Faubourg St Antoine à Paris dans le 12° arrondissement vint me recueillir à l’ hôpital dès qu’elle fut avisé de ma présence et elle me retrouva complètement anémié et souffrant d’asthme et me cacha chez elle.

Au bout de quelques semaines Un policier nommé Mr LECAILLON vivant dans l’immeuble de ma tante l’avisa qu’une nouvelle rafle était prévue et une parente de ce dernier nommée PICOT qui était je crois la sœur d’Elie RANC pris le risque de me faire quitter Paris pour me convoyer et de me faire cacher avec le fils de ma tante :Jean SCHUBERT en ARDECHE chez ELIE et ELISA RANC ,je crois qu’Elie RANC était son frère…..

C’est ainsi que je fus caché sous le nom d’Emile SCHUBERT pendant le reste de la guerre par la famille de Mr Elie RANC dans une ferme au lieu dit PRALONG près de DÉSAIGNES ( ARDÈCHE ).

Je me souviens un peu de la vie dans cette ferme d’où je n’avais pas le droit de sortir de peur que quelqu’un puisse poser des questions ,je me souviens aussi de la vie la vie était frugale mais généreuse qui était notre quotidien : nous ne mangions de la viande qu’une fois par semaine ,les champignons et les truites que la famille RANC pêchait dans le CIAL complétaient nos repas.

 Aussi loin que remonte ces souvenirs ,je me souviens toujours du dévouement et du cœur de la famille d’Elie RANC que ce soit d’ELIE , de son épouse ou de leur fils SAMUEL.

A la fin de la guerre quand je revins à Paris et que j’appris que je ne reverrais jamais mon père et ma mère je cessais de m’alimenter et je fus de nouveau hospitalisé.

C’est pourquoi à la fin de la guerre , afin de pouvoir me refaire une santé je retournais toutes les années à PRALONG et je terminais mon année scolaire à l’Ecole communale de DESAIGNES.

Je fus ensuite adopté par ma tante Thérèse Schubert en reprenant mon vrai nom.

Je fus aussi adopté par la nation et mon livret militaire porte la mention: » si ses parents avaient été Français , ils auraient eu droit à la mention « mort pour la France » ».

Au moment ou j’écris ce petit mémo tous les intervenants nommés ci dessus sont décédés sauf peut être Mr Lecaillon dont j’ai perdu la trace.

La brue de Mr Elie RANC , Mme Colette RANC épouse de son fils Samuel est toujours vivante et habite toujours à Pralong.

Emile Marmurek , le 28 octobre 2012 à Désaignes.

Jean Bernard au Temple Réformé de Désaignes le 28 octobre 2012 pour le témoignage d’Emile Marmurek.

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