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Ecran Village a encore une fois créé l’évènement en accueillant Bernard Stora lors de la programmation de son dernier film « Villa Caprice » avec Patrick Bruel et Niels Arestrup en tête d’affiche.

villa caprice stora ecran village lamastre ardeche

Ce film un  peu thriller,  un  peu  politique, un peu d’amour a plu  à  l’important  public qui  profitait des premières séances après confinement.

Le film lui  même avait souffert  du premier confinement  puisqu’il était sorti au printemps 2020, juste avant l’arrêt des festivités.

Pourquoi Bernard Stora et son épouse Leny étaient-ils  présents à cette projection ?

bernard stora & Marida cinéma ecran lamastre

Pour Bernard Lamastre est  une vieille connaissance puisque le premier film auquel  il a contribué a été « les Cracks » en  1967, Bourvil, Robert Hirch, Monique Tarbès et deux mois de tournage à Lamastre qui ont laissé un souvenir impérissable à bon nombre de personnes. Les figurants nombreux,  les professionnels de nombreux corps de métiers de l’époque, menuisiers, ferronniers, restaurateurs.

Ensuite plus tard  une rencontre qui a marqué son existence et que Marida a énoncé au travers d’un article de « la Croix » de 2020 qui peint par  un récit intimiste à la limite de la confidentialité  la relation de Bernard et Leny au travers de l’Ardèche et de son association de Cinéma itinérant.

En voici l’extrait :

La rencontre d’un cinéaste parisien et d’une écolo ardéchoise

Jamais leurs routes n’auraient dû se croiser. Et pourtant… Durant deux semaines, « La Croix » raconte des histoires de rencontres inattendues, heureuses ou plus dramatiques. Aujourd’hui : l’été 2000, quand le cinéaste Bernard Stora se rend en Ardèche, il n’imagine pas qu’un dîner sous un cerisier avec Lény Bernard, une agricultrice, va changer sa vie… Les rencontres improbables (2/10)

  • France Lebreton,
  • le 18/08/2020 à 15:47

 

En cet été 2000, l’humeur est morose. Le réalisateur Bernard Stora sort fatigué d’une tournée de présentation de son dernier film, Un dérangement considérable, dans de petites villes françaises où il a reçu un accueil mitigé. Le long métrage, sorti en salles au printemps, n’a pas bien marché. Le public semble décontenancé par la fin sombre de l’histoire.

Déçu, un peu déprimé, Bernard Stora veut tourner la page. Un projet d’adaptation télévisée de L’Aîné des Ferchaux avec Jean-Paul Belmondo est déjà dans les tuyaux. Mais un coup de fil inattendu lui propose de venir montrer son film en Ardèche, dans le cadre d’une association de cinéma itinérant. Le réalisateur s’apprête à décliner l’invitation, lorsqu’il entend le nom du lieu, Lamastre.

Un tournage mémorable

L’évocation de ce village fait ressurgir en lui le souvenir du tournage des Cracks, film sur lequel, alors jeune diplômé de l’Idhec, il était assistant du réalisateur Alex Joffé, en cette année 1967. Une grosse production, une affiche prestigieuse (Bourvil, Robert Hirsch­), une foule de figurants, une course cycliste mémorable. Bernard Stora, marqué alors par la beauté des paysages, n’est jamais retourné dans la région. Et si c’était l’occasion ?

Ce qui compte vraiment dans l’actualité

Bernard Stora se rend donc en train, à Valence, un peu à reculons. Serait-ce l’étape de trop ? Frédéric, dit Fred, vient le chercher à la gare. Aux portes des monts de l’Ardèche, à 833 mètres d’altitude, Lamastre compte un peu plus de 2 000 âmes. Avant la séance, un dîner est prévu dans le jardin de la maison de Fred et Ginette, sur une table dressée à l’ombre d’un grand cerisier.

Cinéphiles bénévoles

C’est le moment de faire connaissance avec la petite équipe de bénévoles d’Écran village (1). Parmi ces cinéphiles assidus, il y a un dentiste, un réparateur d’électroménager, un employé départemental, et une jeune agricultrice, Lény Bernard, présidente de l’association. « C’était une jolie femme. Vêtue d’une robe bleue toute simple, elle parlait d’une voix douce mais captait l’attention, tout en étant elle-même très attentive. Il émanait d’elle quelque chose de paisible qui tranchait avec mon agitation habituelle. Je me suis dit, fais gaffe à ce que tu dis, ne dis pas de bêtises », se souvient Bernard Stora.

Leny et Bernard stora un dérangement ardéchois considérable

Lény n’est pas à l’origine de l’invitation du réalisateur. Cette année-là, l’exploitante agricole souhaite prendre un peu de champ. Dans sa ferme de Saint-Jean-Chambre, elle cultive des fruits, des fleurs, des plantes médicinales, elle élève des abeilles et des lapins. Elle a dû se séparer des chèvres et des moutons, faute de temps pour s’en occuper, car, à 41 ans, Lény est aussi mère de deux enfants. Et celle dont le premier métier est photographe voudrait bien aussi plancher sur une idée de documentaire sur les réfugiés de la guerre d’Espagne installés en Ardèche.

Pourtant, à la veille de la projection, Lény accepte, au pied levé, de présenter le film. De Bernard Stora, elle ne connaissait rien. « Que dalle ! », avoue Lény qui se documente en hâte sur le CV du réalisateur. Sa filmographie est impressionnante. Cinquante ans qu’il fait du cinéma ! Assistant de Melville, Rappeneau, et même stagiaire sur un film de Clouzot. « Stora est né dans les années 1940, il doit être un vieux croûton », se dit Lény.

« Quelque chose a tressailli en moi »

« Et je vois arriver un bel homme sur ses deux jambes, très impressionnant, avec une très belle voix. À 58 ans, il portait beau et avait une carrière incroyable », poursuit-elle. La salle des fêtes rassemble au moins 80 personnes. Un succès pour le cinéaste, qui regagne son hôtel plutôt content de sa soirée. Le lendemain, Fred le raccompagne au train, direction Paris.

 

 

Deux jours plus tard, Lény envoie une lettre de remerciement au nom d’Écran village et propose au réalisateur de garder le contact, par écrit, comme elle le fait volontiers avec les personnalités de cinéma, hommes ou femmes, qu’elle rencontre au sein de l’association. Il n’empêche. Bernard Stora est touché par cette démarche. « Quelque chose a tressailli en moi. Elle pense à moi, et je pense à elle aussi. »« Continuez à m’écrire », lui répond-il dans une lettre. « Moi, je ne demandais que ça », avoue Lény.

Longue correspondance

S’ensuit une longue correspondance manuscrite, puis par mail (on est au début d’Internet). Pour recevoir et envoyer des courriels, Lény doit descendre à Valence, en attendant de s’équiper elle-même d’un ordinateur. Un lien fort d’amitié se tisse entre ces deux êtres qui continuent, dans leurs lettres, de se vouvoyer. Tout semble les éloigner. Dix-sept années de différence. Des modes de vie opposés : il est citadin, divorcé, et vit seul avec ses enfants, qu’il couve en papa poule ; elle s’est lancée dans une expérience radicale d’un « retour à la terre », et responsabilise très tôt ses enfants. Il est un réalisateur parisien, pressé, en vue, elle est une « souris des champs ». Pas non plus les mêmes valeurs : elle est écolo, convertie au bio ; il a confiance dans les progrès de la science.

Et pourtant. Ce qui était improbable va devenir une évidence. Bernard et Lény se rejoignent dans leur rapport à la culture. Ils partagent le même enthousiasme pour le théâtre, le cinéma, la philosophie. L’agricultrice travaille de 6 heures du matin à tard le soir, en écoutant, écouteurs vissés aux oreilles, des émissions de France Culture, préalablement enregistrées. « Lény avait inventé le podcast avant le podcast », remarque Bernard Stora, impressionné par sa force de travail.

Complicité intellectuelle

C’est à travers leur complicité intellectuelle et amicale que naît leur relation amoureuse. Bernard est ému par cette correspondance à la fois pudique et intime. Lény y raconte en détail son quotidien, ses multiples tâches à la ferme, ses impressions sur un film, un livre, une émission, comme si elle tenait un journal. De façon plus concise, Bernard évoque ses enfants, ses aventures amoureuses, ses soucis. Ils s’écrivent tous les jours. Lény ne se cache pas, mais garde les lettres pour elle. Pudique, Bernard le tait à son entourage qui ignore l’existence de ce jardin secret. L’été suivant, le réalisateur se fait prêter une maison en Ardèche, à 25 kilomètres de chez Lény. À Saint-Agrève, il écrit un film qui a pour titre Demain et tous les jours après. Et les deux amis se revoient.

Une autre existence

La relation s’installe petit à petit, sans forcer. Bernard entrevoit la possibilité d’une autre existence mais n’envisage pas de vivre avec Lény, encore moins de briser son couple.

Deux ans après la rencontre sous le cerisier, les chemins de Lény et de son compagnon se séparent mais ils restent amis. Dès lors s’ouvre la perspective d’une relation plus étroite avec Bernard. « La vie simple à laquelle il aspirait à l’époque, je pouvais la lui offrir, mais on ne se l’avouait pas, on feignait de l’ignorer, et il a nous a fallu du temps pour nous rendre à l’évidence », confie Lény. Presque tous les week-ends, Bernard Stora part en Ardèche. Autour de lui, personne ne sait pourquoi. Un jour pourtant, de passage à Paris pour fêter l’anniversaire de Bernard, Lény s’entend dire : « Ah, l’Ardèche, c’est vous ! »

 

Cette autre vie qu’il cherchait, Bernard l’a trouvée auprès de Lény, une personne à la fois différente et proche de lui. « La rencontrer là-bas, c’est cela qui était improbable », estime-t-il.

Dans cette contrée sauvage au climat rude, l’homme a fait son nid et élargi son horizon. Une « jolie période » d’une dizaine d’années avant de revenir s’installer à Paris, avec Lény. « Au fond, ce film, Un dérangement considérable, a dérangé nos vies et nous a menés à l’amour », s’amuse-t-elle. Une rencontre « improbable », certes, comme Bernard Stora en a souvent raconté à l’écran : « Ce scénario, oui, j’aurais pu l’écrire, mais mieux que cela, je l’ai vécu. »

 

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Après la projection du film « Villa Caprice » les spectateurs et le réalisateur ont échangé autour des thèmes du film : l’affairisme international et ses turpitudes politiques, la justice et ses turpitudes humaines, la solitude d’un as du barreau en proie à ses contradictions, et je ne vous dévoilerai pas l’épilogue.

bernard stora & Marida cinéma ecran lamastreAprès cet échange  Bernard Stora et son épouse sont restés pour partager un repas en plein air avec les membres du bureau d’écran village.

Les souvenirs communs sont ressortis tout au  long du repas, autour du film les Cracks, de ses paysages , des lieux de tournage. J’étais en 67, en ayant « triché » sur mon âge, un des plus jeunes figurants du film; autour des relations anciennes entre Leny et des personnes présentes  à la projection et à table; autour du long  passage en Ardèche de Bernard.

Une seule envie pour tous sera  de refaire  une soirée de partage et d’échanges autour de tout ce qui nous interpelle.

R B

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